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GÉOPOLITIQUE - Je te fais un dessin
La longue errance des Roms
Article paru dans l'édition du 24.10.13
Dans toute l'Europe, l'anathème frappe la minorité. Les Vingt-Huit n'arrivent pas à régler collectivement le problème

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a scène se déroule en Bulgarie. Une charmante vieille dame, ancienne professeure de français à l'immense culture, évoque en termes choisis son pays en crise. La conversation roule agréablement, jusqu'à en venir aux Roms. Tombe alors un déluge d'imprécations et d'injures. « Le régime communiste a voulu les intégrer mais, eux, ils ne veulent pas. Ils ne veulent pas vivre comme nous. Ils ne veulent pas aller à l'école. Ils veulent juste apprendre à voler à leurs enfants. »

Le 24 septembre, avec d'autres mots, le ministre français de l'intérieur, Manuel Valls, créait la polémique en doutant également de la capacité des Roms à s'intégrer. « Ces populations ont des modes de vie extrêmement différents des nôtres et qui sont évidemment en confrontation. (...) C'est une évidence là aussi, nous le savons tous, la proximité de ces campements provoque de la mendicité et aussi des vols. »

De Sofia à Paris, de Bucarest à Rome, de Budapest à Madrid, le même anathème frappe les dix millions de Tziganes qui vivent et circulent en Europe. La réputation des « voleurs de poules », titre provocateur du dernier spectacle à Paris du Cirque tzigane Romanès, est établie, universelle, intangible, semble-t-il.

En France, les quelque 17 000 Roms et 400 campements présents sur le territoire sont devenus l'épicentre du débat politique. Les propos de Manuel Valls, les expulsions hors du territoire de plus de 10 000 Roms depuis le début de 2013, dont celle médiatisée de Leonarda Dibrani au Kosovo, sont soutenus par une grande partie des Français, même si « l'opinion publique est plus complexe que ce que révèlent des sondages aux questions binaires », comme le constate dans Le Monde du 19 octobre l'historien Patrick Weil.

De fait, les Roms suscitent partout où ils vivent des collisions d'images contradictoires. Il y a les bandes de mendiants qui harcèlent les touristes sur les Champs-Elysées, à Paris. Il y a les équipes de jeunes voleurs, vendus par leurs parents, battus quand ils ne ramènent pas assez d'argent, qui sillonnent les campagnes et les villes de toute l'Europe. Et puis il y a les bidonvilles qui poussent sur les terrains vagues et dans les moindres anfractuosités du tissu urbain. Des hommes, des femmes et des enfants y vivent dans des conditions indignes, sans eau, sans électricité, sans hygiène. Ils tirent quelques euros du ferraillage, faute d'un permis de travail.

Les maires sont laissés seuls face à ce dénuement et à l'hostilité des riverains. Certains entreprennent des programmes limités d'insertion. Mais leurs initiatives ne peuvent régler le problème, qui, tout le monde s'accorde sur ce point, ne peut être résolu que par une solution européenne.

Benoît Hopquin
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